Noms et représentations des tissus biologiques
Crédits : Sophie Gournet (LBD/IBPS)
Ce projet interdisciplinaire fait dialoguer histoire de la langue scientifique, histoire des sciences et recherches actuelles en biologie, avec un double objectif. En premier lieu, l’analyse de la variété des noms et des représentations des tissus vivants, depuis l’Antiquité jusqu’aux époques moderne et contemporaine, permettra d’appréhender sous un jour nouveau certains enjeux ou écueils auxquels font face les travaux les plus récents sur le développement des tissus biologiques et leur vieillissement. Mais à travers ce cas exemplaire, il s’agit, plus largement, d’observer comment la manière de nommer et de représenter les nouvelles découvertes, et en particulier le recours à l’imaginaire, à travers l’analogie entre différents champs de connaissances, rétroagit sur la formation du savoir scientifique.
Les tissus sont des structures biologiques organisées dont l’échelle se situe entre celles de la cellule et de l’organe. De nos jours, ils sont généralement classés en quatre catégories : tissus nerveux, tissus musculaires, tissus épithéliaux et tissus conjonctifs. Ces derniers, qui associent fibres et cellules plongées dans un milieu aqueux, constituent le point de départ du projet. Bichat, pionnier en la matière, dans son Traité des membranes (1799), avait noté la difficulté des anatomistes à identifier et à classifier ces tissus. Aujourd’hui encore, les pathologies qui leur sont liées (sarcomes, maladie de Dupuytren, tumeur desmoïde…) restent difficiles à traiter. Cependant, des observations récentes convergent pour montrer que les tissus conjonctifs n’ont pas une simple fonction mécanique mais sont actifs du point de vue biologique, au cours du développement ou dans des pathologies comme le cancer.
Pourquoi ces tissus conjonctifs, qui constituent pourtant plus de la moitié de notre masse corporelle, sont-ils restés si longtemps méconnus ? Leur nature particulière, à la fois solide et liquide, à la frontière du vivant et de l’inerte, ainsi que leur localisation à la périphérie des organes et dans les interstices de nos organismes apportent sans doute des éléments de réponse. Toutefois, certains facteurs d’ordre historique ou épistémologique ont également pu jouer un rôle. Ce sont ces facteurs que nous souhaitons mettre au jour en étudiant la dénomination de ces tissus successivement ou alternativement nommés de façon générique (mésenchymes, membranes fibreuses, stroma…) ou plus spécifique (par exemple d’après l’organe qu’ils recouvrent : péricarde, sclérotique…), et en analysant les représentations qui en sont faites. Les résultats obtenus permettront de nourrir les réflexions des chercheurs tout en fournissant des pistes pour mieux faire connaître au public un domaine au carrefour de plusieurs disciplines.
Ce projet qui accorde une grande importance à la formation par la recherche est ouvert à toute personne intéressée, étudiant(e) ou collègue.
Porteurs du projet
Jonathan Fouchard, CR CNRS, Institut de Biologie Paris-Seine / Laboratoire de Biologie du Développement, Équipe « Formation et réparation des muscles et des tendons », Sorbonne Université.
jonathan.fouchard@sorbonne-universite.fr
Nathalie Rousseau, MCF Sorbonne Université – Faculté des Lettres, UMR 8167 Orient et Méditerranée – Équipe « Médecine grecque et littérature technique », Institut universitaire de France
Participants au projet
Ana Isabel Duron Tejedor (2021), François Ferrié (2022), Eva Gonzalez (2022), Aydan Gün (2021)
Réalisations
Les premiers résultats des recherches sur l’usage du terme stroma ont été présentés lors de la Fête de la Science 2021.
J. Fouchard & N. Rousseau, « L’essaimage du mot stroma dans les sciences biologiques et médicales au milieu du XIXe siècle », communication au XIVe Congrès de la Société française d'histoire des sciences et des techniques, 19 avril 2023, Bordeaux
Voir aussi N. Rousseau, « Stroma », dans Etymologika, 07/10/2021.